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rance, commune à une infinité de jeunes gens, d’être avancé aux premières occasions ; et, comme lui-même il l’a dit par la suite en réponse à ceux qui calomniaient cette partie de sa vie, « il n’était pas si disgracié du côté de la naissance et de la fortune qu’il ne pût espérer de faire heureusement son chemin. » Las pourtant d’attendre, et la guerre d’ailleurs finissant, il retourna à la Flèche chez les Pères Jésuites, qui le reçurent avec toutes sortes de caresses ; il en fut séduit au point de s’engager presque définitivement dans l’ordre : il composa, en l’honneur de saint François-Xavier, une ode qui ne s’est pas conservée. Mais une nouvelle inconstance le saisit, et, sortant encore une fois de la retraite, il reprit le métier des armes avec plus de distinction, dit-il, et d’agrément, avec quelque grade par conséquent, lieutenance ou autre. Les détails manquent sur cette époque critique de sa vie[1]. On n’a qu’une phrase de lui qui donne suffisamment à penser et qui révèle la teinte et la direction de ses sentiments durant les orages de sa première jeunesse : « Quelques années se passèrent, dit-il (à ce métier des armes) ; vif et sensible au plaisir, j’avouerai, dans les termes de M. de Cambrai, que la sagesse demandait bien des précautions qui m’échappèrent. Je laisse à juger quels devaient être, depuis

  1. Le biographe de l’édition de 1810, qui est le même que celui de l’édition de 1783, a copié sur ce point le biographe qui a publié les Pensées de l’abbé Prévost, en 1764, et qui, lui-même, s’en était tenu aux explications insérées dans le nombre 47 du Pour et Contre. — On a imprimé, dans je ne sais quel livre d’ana, que Prévost étant tombé amoureux d’une dame. À Hesdin probablement, son père, qui voyait cette intrigue de mauvais œil, alla un soir à la porte de la dame pour morigéner son fils au passage, et que celui-ci, dans la rapidité du mouvement qu’il fit pour s’échapper, heurta si violemment son père que le vieillard mourut des suites du coup. Si ce n’est pas là une calomnie atroce, c’est un conte, et Prévost a bien assez de catastrophes dans sa vie sans celle-là.