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Saint-André-des-Arts ; ensuite je gagnai à pied la porte de la Comédie. Je fus surpris de n’y pas trouver Marcel, qui devait être à m’attendre. Je pris patience pendant une heure, confondu dans une foule de laquais, et l’œil ouvert sur tous les passants. Enfin, sept heures étant sonnées sans que je n’eusse rien aperçu qui eût rapport à nos desseins, je pris un billet de parterre pour aller voir si je découvrirais Manon et G*** M*** dans les loges. Ils n’y étaient ni l’un ni l’autre. Je retournai à la porte, où je passai encore un quart d’heure, transporté d’impatience et d’inquiétude. N’ayant rien vu paraître, je rejoignis mon fiacre, sans pouvoir m’arrêter à la moindre résolution. Le cocher, m’ayant aperçu, vint quelques pas au-devant de moi, pour me dire d’un air mystérieux qu’une jolie demoiselle m’attendait depuis une heure dans le carrosse ; qu’elle m’avait demandé à des signes qu’il avait bien reconnus, et qu’ayant appris que je devais revenir, elle avait dit qu’elle ne s’impatienterait point à m’attendre.

Je me figurai aussitôt que c’était Manon ; j’approchai. Mais je vis un joli petit visage qui n’était pas le sien. C’était une étrangère qui me demanda d’abord si elle n’avait pas l’honneur de parler à M. le chevalier des Grieux ? Je lui dis que c’était mon nom. « J’ai une lettre à vous rendre, reprit-elle, qui vous instruira du sujet qui m’amène et par quel rapport j’ai l’avantage de connaître votre nom. » Je la priai de me donner le temps de la lire dans un cabaret voisin. Elle voulut me suivre, et elle me conseilla de demander une chambre à part.