lecture. Je lui demandai encore si elle avait été entretenue proprement. Il m’assura que le nécessaire du moins ne lui avait jamais manqué.
Nous approchâmes de sa porte. Mon cœur battait violemment. Je dis à M. de T*** : « Entrez seul et prévenez-la sur ma visite, car j’appréhende qu’elle ne soit trop saisie en me voyant tout d’un coup. » La porte nous fut ouverte. Je demeurai dans la galerie. J’entendis néanmoins leurs discours. Il lui dit qu’il venait lui apporter un peu de consolation ; qu’il était de mes amis, et qu’il prenait beaucoup d’intérêt à notre bonheur. Elle lui demanda avec le plus vif empressement si elle apprendrait de lui ce que j’étais devenu. Il lui promit de m’amener à ses pieds, aussi tendre, aussi fidèle qu’elle pouvait le désirer. « Quand ? reprit-elle. — Aujourd’hui même, lui dit-il : ce bienheureux moment ne tardera point ; il va paraître à l’instant, si vous le souhaitez. » Elle comprit que j’étais à la porte. J’entrai lorsqu’elle y accourait avec précipitation. Nous nous embrassâmes avec cette effusion de tendresse qu’une absence de trois mois fait trouver si charmante à de parfaits amants. Nos soupirs, nos exclamations interrompues, mille noms d’amour répétés languissamment de part et d’autre, formèrent pendant un quart d’heure une scène qui attendrissait M. de T***. « Je vous porte envie, me dit-il en nous faisant asseoir ; il n’y a point de sort glorieux auquel je ne préférasse une maîtresse si belle et si passionnée. — Aussi mépriserais-je tous les empires du monde, lui répondis-je, pour m’assurer le bonheur d’être aimé d’elle. »