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sensible à cette rigueur. Théophé marqua la même compassion. Et comme je ne cachai cette nouvelle à personne, le chevalier, plus touché que je ne l’aurais cru du malheur de son ami, forma une résolution qu’il nous déguisa soigneusement. Sous prétexte de se rendre à Raguse, pour y toucher ses lettres de change, il entreprit de délivrer Synèse de sa prison, et les périls où l’amitié l’engagea feront prendre bientôt une idée fort noble de son caractère.

Je ne dissimulai point à Théophé les nouveaux efforts que j’avais faits pour toucher son père. Elle s’affligea du mauvais succès de mes soins, mais sans excès, et je fus charmé de lui entendre dire qu’avec les bontés que j’avais pour elle, on ne s’apercevrait jamais qu’elle manquât de père. Que n’aurais-je pas répondu à cette tendre marque de reconnaissance, si j’eusse laissé à mon cœur la liberté de s’exprimer ! Mais, fidèle à mes résolutions, je me réduisis au langage de l’affection paternelle, et je l’assurai qu’elle me tiendrait toujours lieu de fille.

Un incident qui troubla dans le même temps Constantinople et tous les pays voisins, acheva de me faire connaître combien j’étais cher à l’aimable Théophé.

Il se répandit une fièvre contagieuse, contre laquelle on fut très longtemps sans pouvoir découvrir de remède. J’en fus attaqué. Mon premier soin fut de me faire transpor-