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autant que j’étais attendri par ses larmes, et persuadé même par sa justification, autant sentais-je de répugnance à regarder son accusatrice comme la plus méchante et la plus noire de toutes les femmes. Je demeurai quelques moments comme incertain, et toutes mes réflexions ne m’apportaient pas plus de lumières. Ma porte s’ouvre. Je vois paraître Madame de ***, c’est-à-dire l’ennemie de Théophé, la mienne peut-être, et la source de toutes nos douleurs. Était-ce de l’éclaircissement ou de nouvelles ténèbres que je devais attendre de sa visite ? Je n’eus pas le temps de former ce doute. Elle n’avait pu ignorer que Théophé était dans mon appartement, et c’était apparemment la crainte de lui voir prendre quelque ascendant sur ma confiance qui l’amenait pour l’attaquer ou pour se défendre. Aussi commença-t-elle par la traiter sans ménagements. Elle lui fit des reproches si durs, qu’innocente ou coupable, la triste Théophé ne put résister à ce torrent d’outrages. Elle tomba dans un profond évanouissement, dont le secours de mes gens fut longtemps à la rappeler. Les accusations de la gouvernante ayant recommencé avec une nouvelle chaleur, je ne vis rien de plus clair dans cet affreux démêlé que l’obstination de l’une à prétendre qu’elle avait vu le comte de *** s’introduire dans le lieu où nous l’avions cherché, et la confiance de Théophé à soutenir que c’était une horrible calomnie.