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dans mon appartement. Je lui sus bon gré de faire les premières démarches.

Le soin qu’elle avait eu de se composer son visage ne m’empêcha point d’y remarquer les traces de ses larmes. Elle avait les yeux abattus, et pendant quelques moments elle n’osa les lever sur moi.

« Eh ! quoi, Théophé, lui dis-je en la prévenant, vous avez donc été capable d’oublier tous vos principes ? Vous n’êtes plus cette fille sage et modeste dont la vertu m’a toujours été bien plus chère que la beauté ? Ô Dieu ! des amants pendant la nuit ! Je n’ai pas eu le mortel chagrin de vous surprendre avec le comte ; mais on l’a vu entrer dans votre chambre, et cette horrible aventure n’est pas la première ! »

Je la regardais avec une vive attention, pour démêler jusqu’au moindre de ses mouvements. Elle pleura longtemps, elle poussa des sanglots, sa voix en était comme étouffée ; et, n’apercevant rien encore qui pût aider mes jugements, j’étais aussi ému de mon impatience qu’elle paraissait l’être du changement qui l’agitait.

Enfin retrouvant la parole :

« On l’a vu entrer dans ma chambre ! s’écria-t-elle. Qui l’a vu ? Qui ose m’accuser d’une accusation si cruelle ? C’est Madame de ***, sans doute, ajouta-t-elle, en nommant son ancienne gouvernante ; mais si vous en croyez sa haine, il est inutile que je pense à ma justification ! »