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Mais les douleurs qui m’obscurcissaient l’esprit ou plutôt les raisons presque invincibles qui semblaient m’ôter tout espoir de la trouver innocente, me retinrent malgré moi dans un accablement qui dura toute la nuit.

Ma résolution était de la prévenir le lendemain par une visite, autant pour soulager sa confusion, que pour tirer d’elle l’aveu du désordre dont on l’accusait. Une longue habitude de vivre avec elle et de démêler ses dispositions me faisait espérer que la vérité ne m’échapperait pas longtemps ; et si j’étais forcé de lui ôter mon estime, je pensais du moins à la sauver des railleries de son ennemie, en cachant à celle-ci ce que mes soins particuliers m’auraient fait découvrir. Il était entré la veille quelque chose de ce dessein dans le silence que j’avais gardé pendant mes recherches. Je ne voulais pas qu’on pût me reprocher de m’être aveuglé volontairement, et je n’aurais pas ménagé Théophé si j’avais eu le malheur de la surprendre avec le comte ; mais un reste d’espérance ayant toujours balancé mes craintes, j’étais résolu de saisir les moindres prétextes pour faire revenir la gouvernante de ses imaginations ; et rien ne m’avait tant confondu que de l’entendre insister sur le témoignage de ses propres yeux au moment que j’allais l’accuser de s’être prévenue trop légèrement.

Je me disposais donc à monter chez Théophé, lorsqu’on m’avertit qu’elle entrait