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excepte le temps que je lui faisais donner à la promenade, elle n’était jamais un quart d’heure hors de mon appartement. Étaient-ce donc ces moments si courts qu’elle accordait à sa passion ; et l’amour est-il capable d’une modération si constante ? La nuit était toujours fort avancée lorsqu’elle me quittait. Je lui voyais le matin sa vivacité et sa fraîcheur ordinaires. En rapporte-t-on beaucoup de la compagnie d’un amant passionné ? Et puis ne lui voyais-je pas toujours le même air de sagesse et de modestie, et ce que je lui trouvais de plus charmant n’était-il pas ce perpétuel accord de prudence et d’enjouement, qui semblait marquer autant de retenue dans ses désirs que d’ordre dans ses idées ? Enfin, je connaissais la légèreté et l’imprudence de son accusatrice ; et quoique je ne la crusse point capable d’une calomnie, je n’avais point douté qu’elle n’eût été assez sensible au mécontentement que j’avais marqué de sa conduite, pour chercher à tirer quelque vengeance, ou de moi, ou de Théophé, ou de la personne que j’avais substituée à ses fonctions.

Cependant, comme elle faisait encore sa demeure chez moi, et que je n’aurais pas voulu que le secret qu’elle m’avait confié sortît de sa bouche ni de la mienne, je lui répondis que des imputations si graves demandaient deux sortes de précautions auxquelles je ne la croyais point capable de manquer ; l’une d’être tenues secrètes, au-