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mes tout puissants qui avaient fait tant d’impression sur mon cœur. Le fond de sagesse qui se déclarait si ouvertement dans cette honnête complaisance me renouvela des traces que je croyais mieux effacées. Mon affaiblissement même ne fut point un obstacle, et je suis encore à comprendre comment des sentiments d’honnêteté et de vertu produisirent sur moi les mêmes effets que l’image du vice. Je n’en accordai pas plus de liberté à mes sens ; mais j’emportai de cette visite un nouveau feu, dont je m’étais cru désormais à couvert par mes infirmités continuelles autant que par la maturité de ma raison.

La honte de ma faiblesse ne me saisit qu’en reprenant le chemin de ma chambre, c’est-à-dire après m’y être livré tout entier ; aussi n’y résistai-je pas plus que je n’avais fait à Constantinople, et si l’état de ma santé me permettait bien moins de former des désirs, je ne m’en crus que plus autorisé à suivre des sentiments dont tout l’effet devait se renfermer dans mon cœur.

Mais dès la même nuit, ils en produisirent un que je n’avais pas prévu. Ils renouvelèrent cette ardente jalousie qui m’avait possédé si longtemps, et qui était peut-être de toutes les faiblesses de l’amour celle qui convenait le moins à ma situation. À peine fus-je au lit que, ne pouvant comprendre comment j’avais pu me refroidir pour un objet si charmant, je m’abandonnai au regret