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sentait, elle louait l’esprit et l’agrément qu’elle trouvait dans chaque parole.

Quelles réflexions ne fis-je point sur le ridicule d’une femme qui oublie son âge et sa laideur ! Je trouvais la vieille gouvernante si justement punie, que si je n’eusse point été pressé d’un autre intérêt que le sien, je me serais fait un amusement de ce spectacle. Mais je voyais le comte qui se ménageait des intermèdes et qui, se tournant d’un ton plus sérieux vers Théophé, lui adressait par intervalles quelques discours qui ne pouvaient venir jusqu’à nous.

Le feu qui dévorait M. de S*** brillait alors dans ses yeux. Il s’agitait jusqu’à me faire craindre que le bruit de ses mouvements ne pût nous trahir ; et si je ne l’eusse retenu plusieurs fois, il se serait levé brusquement pour interrompre un spectacle qui lui perçait le cœur. Combien n’eus-je pas de peine à le modérer lorsqu’il vit le comte baisser la tête jusque sur l’herbe, pour baiser secrètement une des mains de Théophé, qu’elle ne se hâta point de retirer !

La collation fut délicate et dura longtemps. La joie fut animée par quantité de contes et de saillies plaisantes. Si l’on ne but point à l’excès, on goûta de plusieurs sortes de vins, et l’on ne se fit pas presser beaucoup pour les liqueurs. Enfin, sans qu’il se fût rien passé d’absolument condamnable, il me restait, de tout ce que j’avais vu, un fond de chagrin dont je me proposais de ne