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avec moi. Mais apprenant que je me bornais à l’amitié de Théophé, et que la seule raison qui me faisait combattre l’inclination qu’il avait pour elle était la prière que j’en avais reçue d’elle-même, il me déclara qu’avec la vive passion qu’il avait dans le cœur, il ne savait point se rebuter de l’indifférence d’une belle, et qu’il conserverait du moins l’espérance ordinaire aux amants d’emporter par la constance de ses soins, ce qu’il n’avait pu obtenir de son mérite et du penchant de sa maîtresse. Je lui prédis, qu’après la déclaration de Théophé, tous ses efforts seraient inutiles. Il n’en fut pas plus refroidi ; surtout lorsque je lui eus protesté dans les termes de l’honneur que je n’avais rien obtenu d’elle qui dût le faire douter de sa sagesse.

À peine fut-elle en état de goûter quelque plaisir, qu’il entreprit de dissiper sa mélancolie par des fêtes et des concerts. Elle s’y prêta, avec moins d’inclination que de complaisance, surtout lorsque, loin de m’y trouver opposé, elle vit que je partageais volontiers ces amusements avec elle.

M. de S*** n’était que le fils d’un marchand ; et si c’était le goût du mérite qui l’attachait à une fille si aimable, je ne voyais rien de choquant dans le désir que je lui supposais de l’épouser. Toute l’obstination de Condoidi à lui refuser le titre de sa fille ne m’aurait point empêché de rendre témoignage qu’elle l’était, et les preuves que