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dans l’île de Corse avec mes gens, il se trouva quelqu’un qui proposa de garder Théophé, comme la plus précieuse partie de mes biens. Mais après une délibération de quelques moments, on reconnut qu’une si belle femme ne servirait qu’à jeter la division dans la société, et la conclusion fut de la mettre à terre avec moi.

Quoique tremblant d’une si horrible découverte, mon valet de chambre eut assez de présence d’esprit pour concevoir que nous n’avions de salut à espérer que par la diligence et le secret. Il était environ minuit. Le ciel, qui nous favorisait, lui fit trouver le moyen de se couler au long du tillac et de gagner la chambre du capitaine, qui communiquait heureusement à la mienne. Il nous réveilla avec la même discrétion, et, commençant par nous exhorter au silence, il nous fit un affreux récit du malheur qui nous menaçait.

Les ténèbres l’avaient empêché non seulement de reconnaître les conjurés, mais de pouvoir s’assurer de leur nombre. Cependant ayant distingué les plus mutins à la voix, il nous en nomma quelques-uns, et sur le jugement qu’il en avait porté, ils pouvaient être au nombre de douze.

Je ne m’attribuerai point une fausse gloire si je vante mon intrépidité ; et les exemples en étaient assez connus. Huit domestiques que j’avais à ma suite, le capitaine, son lieutenant et moi, nous com-