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ma fille, ou l’amour à une maîtresse chérie. Cependant je ne pus la voir dans cette langueur pour un autre, sans éprouver que la plus vive tendresse se refroidit enfin par la dureté et l’ingratitude. Insensiblement je m’aperçus que mon cœur devenait plus libre, et que, sans perdre le dessein d’être utile à Théophé, je n’étais plus agité de ces moments inquiets qui avaient été depuis plusieurs années ma situation presque habituelle. J’eus le loisir de reconnaître ce changement, pendant un calme de plus de huit jours, qui nous arrêta vers l’entrée de la mer de Gênes.

Il n’y a pas d’exemple d’une si parfaite tranquillité dans l’air et dans les flots. Nous n’étions pas à dix lieues de la côte, et la surface de l’eau étant si immobile que nous nous trouvions comme fixés dans le même lieu, j’eus plus d’une fois la pensée de me mettre dans la chaloupe avec Théophé et quelques-uns de mes gens, pour gagner la terre à force de rames. Je me serais épargné une vive alarme, de la part de quelques misérables, qui, s’abandonnant à leur imagination dans l’oisiveté, entreprirent de se rendre maîtres du vaisseau par le meurtre du capitaine et des autres officiers. Cette conspiration était peut-être méditée avant notre départ ; mais l’occasion de l’exécuter n’avait jamais été si belle. Nous avions à bord cinq Italiens et trois Provençaux, qui n’y étaient comme moi qu’avec la qualité de