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pas été plus ardents que les effets, cette passion n’a pas dû lui faire oublier sa dame romaine. »

Notre entretien qui dura toute l’après-midi, ne fut ainsi qu’un déguisement continuel ; Théophé affectant toujours de paraître peu sensible à sa perte, tandis qu’avec une satisfaction maligne, qui venait sans doute de l’espérance que je sentis renaître au fond de mon cœur, je continuais à rabaisser la passion du comte, et de parler de son départ comme d’une grossièreté et d’un outrage. Elle soutint cette scène avec beaucoup de force. Le capitaine du vaisseau qui m’avait amené m’ayant paru disposé dès le même soir à remettre à la voile aussitôt que j’y consentirais moi-même, je ne lui demandai que le jour suivant pour m’y préparer. C’était moins la nécessité de mes affaires qui me faisait souhaiter le délai d’un jour, que les ménagements que je croyais nécessaires à la santé de Théophé. J’avais trop bien remarqué les efforts qu’elle se faisait continuellement pour cacher sa tristesse, et je voulais m’assurer que son tempérament n’en souffrirait point.

Elle se soutint jusqu’à notre embarquement ; mais à peine crut-elle avoir perdu l’espérance de revoir le comte, que ne résistant plus aux mouvements de son cœur, elle se fit mener au lit, d’où elle ne sortit point jusqu’à Marseille. Je lui rendis tous les soins que le devoir m’aurait fait rendre à