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détails, que mon indiscrétion peut avoir dérangé vos vues. »

J’assurai le capitaine qu’il ne m’avait donné aucun sujet de plainte, et que si j’avais déguisé mon nom ou pris quelque autre masque à Livourne, c’était uniquement pour me délivrer de l’embarras des cérémonies. Je ne lui donnai pas d’autre motif pour me laisser dans l’obscurité où je voulais demeurer. Mais il me fut aisé de juger qu’en cessant de prendre Théophé pour ma fille, le comte s’était figuré qu’elle était ma maîtresse. L’état où il m’avait surpris dans sa chambre avait dû lui faire naître cette pensée ; et dans la confusion de s’être engagé avec elle, il n’avait pas trouvé d’autre ressource que celle de partir aussitôt sans la voir.

Je me hâtai de retourner à la chambre de Théophé. Je ne fis qu’entrevoir son abattement ; car à peine m’eut-elle aperçu, que, s’excitant à prendre un visage tranquille, elle me demanda en souriant si je n’étais pas bien surpris de la résolution précipitée du comte.

« Vous voyez, ajouta-t-elle, que ses sentiments n’ont jamais été bien vifs, puisqu’il a pu les perdre en un moment, jusqu’à partir sans me dire adieu. »

Je feignis de ne pas voir plus loin que cette joie contrefaite.

« Il vous aimait sans transport, lui dis-je d’un ton sérieux, et si les témoignages n’ont