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grate, à qui ma tendresse et mes bienfaits n’ont jamais inspiré pour moi que de la dureté et de la haine ! »

Il fallait que mon emportement fût au comble pour me faire employer des termes si durs. Elle n’avait jamais reçu de moi que des protestations d’estime et d’amour, ou des plaintes si tendres qu’elle avait dû se croire respectée jusques dans les reproches de ma douleur. Aussi fut-elle si consternée de m’entendre, que versant bientôt un ruisseau de larmes, elle me pria d’écouter ce qu’elle avait à dire pour sa défense.

Je la forçai de s’asseoir ; mais l’amertume de mon cœur l’emportant encore sur la pitié qu’elle m’inspirait déjà par sa tristesse, je ne changeai rien à la sévérité de ma voix et de mon visage.

Après m’avoir répété, avec de nouvelles protestations, qu’elle n’avait rien accordé au comte dont elle eût à se faire un reproche, elle me confessa non seulement qu’il l’aimait, mais que par un changement qu’elle avait peine elle-même à comprendre, elle s’était sentie prévenue pour lui d’une violente inclination.

« Il est vrai, continua-t-elle, que j’ai moins combattu ce penchant que je ne le devais suivant mes propres maximes ; et si j’ose vous en déclarer la raison, c’est que ne lui croyant aucune connaissance de mes misérables aventures, je me suis flattée de pouvoir rentrer avec lui dans les droits ordi-