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Je demeurai seul avec Théophé. Malgré l’effort que j’avais fait pour affecter une contenance riante, il me fut difficile de ne pas retomber dans un embarras qui était beaucoup augmenté par le sien. Je ne vis point d’autre voie pour sortir de cette contrainte, que de lui avouer ouvertement les défiances que j’avais de sa conduite, d’autant plus que les promesses que j’avais entendues de la bouche du comte étaient un nouveau sujet d’inquiétude sur lequel je brûlais de recevoir des explications. Son visage devint aussi pâle en écoutant mes premiers reproches, qu’il s’y était répandu de rougeur, lorsqu’elle m’avait aperçu sur son lit. Elle m’interrompit néanmoins d’un air tremblant, pour me protester que je l’outrageais par mes soupçons et qu’il ne s’était rien passé entre elle et le comte qui blessât les principes que je lui connaissais. Un désaveu si absolu porta mon ressentiment jusqu’à l’indignation.

« Quoi ? perfide, lui dis-je, comme si j’avais eu quelque droit de lui reprocher sa trahison, je n’ai pas vu le comte à vos genoux ? Vous ne l’avez pas traité depuis notre séjour à Livourne avec des complaisances que vous n’avez jamais eues pour moi ? Il ne vous a pas promis à ce moment de ne rien épargner aujourd’hui pour s’assurer le bonheur d’être à vous ? Qu’entendait-il par cette promesse ? Parlez ; je veux le savoir de vous-même ! Je ne serai pas toute ma vie le jouet d’une in-