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leur entretien. Mais les rideaux du lit étant ouverts, le comte fut le premier qui jeta les yeux sur moi. Il n’eut pas de peine à distinguer que j’étais un homme.

« Que vois-je ? » dit-il avec le dernier étonnement. Théophé, qui m’aperçut presque aussitôt, jeta un cri auquel la frayeur eut autant de part que la confusion.

J’aurais tenté inutilement de me dérober. La seule ressource qui s’offrit à mon esprit fut de me faire un effort pour composer mon visage à la joie, et de tourner en badinage une aventure à laquelle je ne pouvais donner une meilleure face.

« J’ai trouvé votre porte ouverte, dis-je à Théophé, et n’ayant pu goûter un moment de repos cette nuit, je me suis imaginé que votre lit serait plus favorable au sommeil que le mien. »

Elle avait jeté d’abord un cri de honte et d’embarras, mais ne trouvant rien dans ses réflexions qui pût lui servir à expliquer une aventure si peu convenable aux termes où je vivais avec elle, son silence exprimait son incertitude et son trouble. D’un autre côté le comte, qui crut pénétrer tout d’un coup ce qu’il n’avait pas soupçonné, me fit des excuses d’une indiscrétion qu’il se reprocha comme un crime ; et, m’assurant qu’il me respectait trop pour troubler mes plaisirs, il prit congé de moi dans des termes auxquels je remarquai facilement que je ne lui étais plus inconnu.