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que rien n’était capable de me faire méconnaître ses traces.

Cette étude, qui dura longtemps, produisit un effet que j’étais fort éloigné de prévoir. N’ayant rien découvert qui n’eût servi par degrés à me rendre plus tranquille, la vue du lieu où ma chère Théophé venait de reposer, sa forme que j’y voyais imprimée, un reste de chaleur que j’y trouvais encore, les esprits qui s’étaient exhalés d’elle par une douce transpiration, m’attendrirent jusqu’à me faire baiser mille fois tous les endroits qu’elle avait touchés. Fatigué comme j’étais d’avoir veillé toute la nuit, je m’oubliai si entièrement dans cette agréable occupation, que le sommeil s’étant emparé de mes sens, je demeurai profondément endormi dans la place même qu’elle avait occupée.

Elle était pendant ce temps-là au jardin, où il n’était pas surprenant qu’elle eût trouvé le comte, parce que c’était un usage dans la maison d’aller prendre l’air de la mer avant la chaleur du jour. Il s’y rendait même diverses personnes du voisinage, ce qui lui donnait l’air d’une promenade publique.

Le hasard voulut que le même jour le capitaine d’un vaisseau français, qui était entré la veille au port, s’y trouvât avec quelques passagers qu’il ramenait de Naples. La vue de Théophé, qu’il était difficile de regarder sans admiration, attira ces étrangers autour d’elle, et le comte qui reconnut le capitaine