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Il avait mené depuis ce temps-là une vie déplorable, errant dans toutes les villes d’Italie, pour effacer des images qui faisaient de sa situation un supplice perpétuel, et cherchant à réparer les pertes de son cœur dans le commerce de tout ce qu’il avait trouvé de femmes aimables. Mais il était arrivé à Livourne sans avoir senti le moindre changement dans un cœur que la tristesse avait toujours défendu contre l’amour.

C’était assez faire entendre que ce miracle était réservé à Théophé. Je ne m’étais point aperçu néanmoins de cette profonde mélancolie, qui devait être encore sensible à notre arrivée, si ce n’était que depuis ce temps-là qu’il en était guéri. Mais l’attention avec laquelle je vis Théophé prêter l’oreille à toutes ces fables ne me permit point de douter qu’elles ne fissent sur elle toute l’impression qu’il désirait. Le soir arriva. Je l’attendais avec impatience pour éclaircir des soupçons beaucoup plus terribles. La chambre de Théophé était voisine de la mienne. Je me levai aussitôt que mon valet de chambre m’eut mis au lit, et je cherchai quelque endroit d’où je pusse découvrir tout ce qui s’approcherait de notre appartement.

Cependant je sentais un remords cruel de l’outrage que je faisais à l’aimable Théophé, et dans l’agitation de mille sentiments qui combattaient en sa faveur, je me demandais si mes noires défiances étaient assez bien