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secret, si le hasard ne m’eût un jour ramené dans un moment où j’étais si peu attendu, qu’entrant subitement dans la chambre de Théophé, je surpris le comte à genoux.

La vue d’un serpent qui m’aurait soufflé son poison, n’eût pas répandu plus de trouble et de consternation dans tous mes sens. Je me retirai assez heureusement pour m’assurer que je n’avais point été aperçu. Mais, retenu malgré moi-même à la porte par mes craintes, par mes soupçons, par mes noirs transports, je cherchai à redoubler le désespoir qui me rongeait le cœur en observant tout ce qui pouvait me faire trouver Théophé plus coupable.

À la vérité, je ne découvrais rien dont la modestie fût blessée. Cependant, je demeurai jusqu’à l’heure du dîner, dans le poste où j’étais, m’agitant avec autant d’impatience que si j’eusse souhaité de voir ou d’entendre ce que j’appréhendais le plus mortellement.

Quelle raison avais-je d’être jaloux ? Quel engagement Théophé avait-elle avec moi ? Que m’avait-elle promis ? Au contraire, n’avais-je pas renoncé à toutes sortes de prétentions sur son cœur, et la liberté de suivre ses inclinations, n’était-elle pas l’un des deux articles que je lui avais accordés ?

J’en convenais avec moi-même ; mais il me paraissait cruel que ce cœur que je n’avais pu attendrir l’eût été si facilement par un autre. En supposant qu’elle pût deve-