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parce qu’il me crut le père de Théophé. Je ne vis d’abord dans ses empressements que la galanterie ordinaire aux Français, et pendant les promenades que je fis les jours suivants dans la ville, il ne me vint pas même à l’esprit qu’il y eût quelque risque à laisser Théophé seule, avec une femme de sa nation qui la servait.

Cependant en moins de huit jours je m’aperçus qu’il s’était fait quelque changement dans son humeur. La seule fatigue du voyage ayant pu lui causer quelque altération, cette remarque me causa peu d’inquiétude ; je lui demandai néanmoins si elle avait quelque sujet de tristesse ou de plainte. Elle me répondit qu’elle ne connaissait rien qui pût la chagriner ; mais cette réponse se fit avec un air d’embarras, qui m’aurait fait ouvrir les yeux tout d’un coup, si j’avais été capable de quelque défiance. D’ailleurs j’ignorais que le comte de M*** passât à l’entretenir tout le temps que j’employais à visiter les curiosités de la ville.

Nous fûmes quinze jours à Livourne sans que le moindre incident eût pu servir à me faire veiller de plus près sur ce qui se passait autour de moi. Si je revenais avant l’heure du repas, je trouvais Théophé seule, par le soin que le comte avait de se retirer à mon arrivée. Je continuais de lui trouver l’air plus sombre et plus contraint, mais, ne voyant aucune autre marque de l’altération que j’avais appréhendée pour sa santé, je