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sement fort agréable d’écouter les aventures de cette troupe charmante, et j’ai eu soin de les écrire presque aussitôt, pour n’avoir rien à craindre de l’infidélité de ma mémoire.

Enfin nous quittâmes le port de Constantinople sur un vaisseau marseillais. Le capitaine m’avait prévenu sur la nécessité où il était de relâcher pour quelques semaines à Livourne, et je n’avais pas été fâché de trouver l’occasion de voir ce port célèbre. Théophé donna des marques sensibles de joie en touchant le rivage d’Italie.

L’incognito que mille raisons m’obligeaient de garder m’ayant fait laisser toute ma suite à bord, je me logeai dans une auberge, où je ne refusai pas de manger dans la compagnie de quelques honnêtes gens qui s’y trouvaient. Théophé passa pour ma fille, et moi pour un homme ordinaire qui revenait de Constantinople avec sa famille.

Dès le premier repas que nous fîmes avec les autres voyageurs, je vis l’attention d’un jeune français, âgé d’environ vingt-cinq ans, fort occupée des charmes de Théophé, de ses soins continuellement tournés à se faire distinguer d’elle par ses flatteries et ses politesses. Sa figure aussi prévenante que ses manières, et le tour de sa conversation me le firent prendre pour un homme de qualité qui voyageait sans se faire connaître, quoique le nom de comte de M*** Q*** qu’il se faisait donner, ne me réveillât point l’idée d’une maison connue. Il me combla de civilités