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cher par la force du sang ou par ses pleurs.

Mais elle me répondit, sans balancer, qu’autant qu’elle m’eût sollicité pour obtenir cette grâce, si elle était parvenue à quelque certitude d’être sa sœur, autant elle me suppliait de ne pas l’exposer à l’embarras perpétuel de ne savoir quelles manières elle devait prendre envers un jeune homme qui avait pour elle des sentiments trop passionnés, s’il n’était pas son frère.

Ainsi le triste Synèse fut réduit aux consolations qu’il trouva sans doute dans l’amitié du chevalier, et j’ai ignoré leur fortune depuis notre séparation.

Quelques semaines qui s’écoulèrent entre l’ordre du roi et mon départ, furent employées par Théophé à des occupations qui me fourniraient la matière d’un volume, si je cherchais à grossir ces mémoires. Ses réflexions lui avaient fait sentir autant que son expérience, que le plus horrible de tous les malheurs pour une personne de son sexe était l’esclavage ; et depuis qu’elle était à Oru, elle n’avait pas perdu une seule occasion de s’informer quels étaient les sérails les mieux remplis et les seigneurs les plus avides de cette sorte de richesse. À l’aide de quelques marchands d’esclaves, qui sont aussi connus à Constantinople que nos plus célèbres maquignons le sont ici, elle avait découvert plusieurs filles malheureuses, Grecques ou étrangères, qui se trouvaient en-