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Le chevalier, qui n’avait pas cessé de l’aimer, contribua aussi à lui faire abandonner des vues qu’ils avaient formées de concert. Cependant il ne put lui ôter du cœur une passion qui le précipita encore dans plus d’une folle entreprise. Quel fond doit-on faire à cet âge sur les plus heureux caractères ? Ce même chevalier que je croyais enfin revenu à la raison, et qui continua effectivement, jusqu’à son départ, de mériter par sa conduite les égards que je ne cessai point d’avoir pour lui, ne retourna en Sicile que pour y retomber dans un désordre beaucoup moins excusable que celui dont il était sorti. J’employai mes plus fortes recommandations auprès du grand maître de Malte et du vice-roi de Naples pour lui procurer un accueil plus doux qu’il n’osait l’espérer. Il reparut librement dans sa patrie, et sa fierté y passa pour une erreur de jeunesse. Mais il ne put éviter d’y voir sa maîtresse, ou plutôt il eut sans doute la faiblesse d’en chercher l’occasion. Leurs flammes se rallumèrent. À peine s’était-il passé quatre mois depuis son départ, que Théophé me fit voir une lettre écrite de Constantinople, par laquelle il lui marquait avec beaucoup de détours et d’expressions timides, qu’il était revenu en Turquie avec sa maîtresse, et que ne pouvant vivre l’un sans l’autre, ils avaient enfin renoncé pour jamais à leur patrie. Il se rendait justice sur l’excès de sa folie ; mais quoiqu’il apportât pour excuse la violence d’une