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épreuves glorieuses pour sa vertu, n’ai-je point à craindre que ce ne soit de mon témoignage qu’on se défie, et qu’on aime mieux me soupçonner de quelque noir sentiment de jalousie qui aurait été capable d’altérer mes propres dispositions, que de s’imaginer qu’une fille si confirmée dans la vertu ait pu perdre quelque chose de cette sagesse que j’ai pris plaisir jusqu’à présent à admirer ? Quelque opinion qu’on en puisse prendre, je ne fais cette question que pour avoir occasion de répondre qu’on me trouvera aussi sincère dans mes doutes et dans mes soupçons que je l’ai été dans mes éloges, et qu’après avoir rapporté ingénument des faits qui m’ont jeté moi-même dans la dernière incertitude, c’est au lecteur que j’en veux laisser le jugement.

Mais le nouveau traité que j’avais fait avec Théophé fut suivi d’un calme assez long, pendant lequel j’eus encore le plaisir de lui voir exercer toutes ses vertus. J’avais appris du guide que j’avais donné à Maria Rezati que cette inquiète Sicilienne avait mal répondu à notre attente et sans doute à celle de son amant. Le capitaine du vaisseau sur lequel je l’avais fait embarquer pour la Morée, ayant pris une vraie passion pour elle, l’avait engagée à lui découvrir ses aventures et ses projets. Il s’était servi de cette connaissance pour lui représenter si vivement le tort qu’elle allait se faire pour le reste de sa vie en rejoignant le chevalier,