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force de sa douleur avaient pu lui arracher, elle me pria de trouver bon qu’elle allât cacher sa peine et se remettre de sa honte dans le cabinet voisin, d’où elle était résolue de ne sortir que pour s’éloigner tout à fait de moi, ou pour se livrer au plaisir de me retrouver tel que nous devions le souhaiter tous deux pour mon bonheur et le sien.

Elle passa effectivement dans le cabinet, et je n’eus pas même la hardiesse de faire le moindre effort pour la retenir. La voix, le mouvement, la réflexion, toutes mes facultés naturelles étaient comme suspendues par l’excès de mon étonnement et de ma confusion. Je me serais précipité dans un abîme, s’il s’en était ouvert un devant moi, et la seule idée de ma situation me paraissait un tourment insupportable. J’y demeurai néanmoins fort longtemps sans retrouver assez de force pour en sortir. Mais il fallait que cet état fût en effet bien violent, puisque le premier domestique que je rencontrai fut alarmé de l’altération de mon visage, et que, répandant aussitôt l’alarme dans ma maison, il attira autour de moi tous mes gens, qui s’empressèrent de m’offrir les secours qu’ils croyaient nécessaires à ma santé. Théophé même, avertie par le tumulte, oublia la résolution qu’elle avait formée de ne pas sortir de son cabinet. Je la vis accourir avec inquiétude. Mais, sa vue redoublant toutes mes peines, je feignis de ne l’avoir point aperçue. J’assurai mes gens qu’ils s’étaient alarmés