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d’étranges démarches s’était non seulement soutenue, mais comme augmentée pendant cette explication ; et la présence d’un objet si cher agissant encore plus vivement que toutes mes réflexions, j’étais dans un état où rien n’était peut-être comparable à la force de mon amour et de mes désirs. Mais un coup d’œil que je jetai sur Théophé me plongea dans des frayeurs mille fois plus vives que celles qui m’avaient arrêté à sa porte une heure auparavant.

Au lieu des témoignages de reconnaissance et de joie que je m’attendais à voir éclater sur son visage, je n’y aperçus que les marques de la plus profonde tristesse et d’un mortel abattement. Elle paraissait pénétrée de tout ce qu’elle venait d’entendre ; mais je ne voyais que trop que ce qui arrêtait encore sa langue était un saisissement de surprise et de crainte plutôt qu’un transport d’admiration et d’amour. Enfin lorsque, dans l’embarras où j’étais moi-même, j’allais lui marquer de l’inquiétude pour sa situation, elle se jeta à genoux devant moi, et ne pouvant plus retenir ses larmes, elle en versa une abondance qui lui ôta pendant quelques moments la liberté de parler. J’étais si vivement agité par mes propres mouvements, que je me trouvai sans force pour la relever. Elle demeura malgré moi dans cette posture, et je fus contraint d’écouter un discours qui me perça mille fois le cœur.

Je ne rapporterai pas ce que le souvenir