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n’avaient pu servir à me faire rappeler, me glaça tout d’un coup le sang, et me fit retourner sur mes pas avec autant de trouble et de frayeur que j’avais apporté de tranquillité et de résolution. Je me souvins que le Sélictar avait pris du moins quelques mesures du côté de Condoidi pour assurer la naissance de Théophé, et je tremblai de la force d’une passion qui m’aveuglait jusqu’à me faire manquer à des bienséances dont un Turc ne s’était pas cru dispensé. Mais cette raison de m’alarmer ne fut pas la seule qui jetât la confusion dans toutes mes idées. Je considérai qu’autant qu’il était nécessaire de m’ouvrir à Condoidi, et de l’engager à faire pour moi ce qu’il avait offert au Sélictar, autant il m’allait être difficile et humiliant de faire dépendre mes résolutions du caprice d’un homme que j’avais si peu ménagé. Que serait-ce s’il allait prendre plaisir à tirer vengeance et des sollicitations par lesquelles je l’avais importuné pour sa fille, et des chagrins qu’il me soupçonnait de lui avoir causés à l’occasion de son fils ? Je ne voyais pas néanmoins deux partis à choisir, et ma surprise était qu’une condition si nécessaire eût pu m’échapper. Mais croira-t-on qu’après m’en être fait un juste reproche, et m’être occupé longtemps à délibérer sur la voie que je devais prendre pour réparer mon imprudence, ma conclusion fut de retourner vers Théophé, et d’exécuter ce que je m’étais cru obligé de suspendre par de si fortes raisons ?