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plus d’élévation que la fortune ne pouvait jamais lui en offrir. De cette disposition, qui ne fit qu’augmenter sans cesse par les réflexions de plusieurs jours, je passai sans répugnance au dessein de l’épouser ; et ce qui devait être surprenant pour moi-même, après avoir passé près de deux ans sans oser m’arrêter un moment dans cette pensée, je me familiarisai tout d’un coup avec mon projet jusqu’à ne m’occuper que des moyens de le faire réussir.

Ce n’était pas du côté de mon imagination que j’avais des obstacles à combattre, puisque je n’y trouvai plus rien qui ne favorisât mon penchant ; ni du côté de ma famille, qui n’avait pas le pouvoir de s’y opposer, et qui dans l’éloignement où j’étais de ma patrie, n’apprendrait ma résolution que longtemps après qu’elle serait exécutée. D’ailleurs, en me livrant à l’inclination de mon cœur, je n’oubliais pas ce que je devais à la bienséance, et ne fût-ce que pour éviter la dépense et l’éclat, j’étais déjà résolu de renfermer la fête de mon mariage dans l’enceinte de mes murs.

Mais au milieu de la douceur que je trouvais à satisfaire mes plus chères inclinations, j’aurais souhaité que Théophé eût paru céder à ma tendresse par d’autres motifs que ceux que j’avais à lui proposer, et je sentais quelque regret d’avoir eu besoin de cette voie pour obtenir d’elle un peu d’amour. Quoique je me fusse flatté plus d’une fois d’avoir