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seul plaisir d’entendre répéter ce qui m’avait rempli le cœur de joie et d’admiration.

« Mais songez-vous, lui dis-je, que le Sélictar est un des premiers seigneurs de l’empire, que ses richesses sont immenses, que l’offre que vous écoutez avec froideur serait reçue avidement de toutes les femmes du monde, et que c’est à ses pareils qu’on voit accorder tous les jours les sœurs et les filles du Grand Seigneur ? Mais songez-vous que c’est un homme qui vous aime depuis longtemps, qui joint beaucoup d’estime à l’amour, et qui se propose d’en user autrement avec vous que les Turcs ne font avec leurs femmes ? »

Elle m’interrompit :

« Je ne songe à rien, me dit-elle, parce que rien ne me touche que l’espérance de vivre tranquille sous la protection que vous m’accordez, et que je ne désire point d’autre bonheur. »

Après tant de promesses par lesquelles je m’étais engagé au silence, il ne m’était plus permis de marquer ma joie par des transports ; mais ce qui se passait secrètement au fond de mon cœur surpassait tout ce que j’ai rapporté jusqu’ici de mes sentiments.

Le Sélictar ne manqua point de venir le soir à Oru. Il me demanda avec empressement si j’avais fait l’ouverture de son projet à Théophé. Je ne pus lui déguiser que j’avais hasardé quelques explications qui n’avaient