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mille fois plus de violence ; et peut-être aurais-je contribué, par mes propres soins, à l’élévation d’une femme que j’aimais uniquement.

Cependant, après avoir quitté le Sélictar, qui me promit de me rejoindre le soir à Oru, je n’eus rien de si pressant que d’y retourner. Je ne pris point de détours pour découvrir par degrés l’impression que j’allais faire sur Théophé. Mon cœur demandait d’être soulagé à l’instant.

« Vous allez connaître, lui dis-je, la nature de mes sentiments. Le Sélictar pense à vous épouser, et loin de m’opposer à son dessein, j’applaudis à tout ce qui peut assurer votre fortune et votre bonheur. »

Elle reçut ce discours avec si peu d’émotion, que je pénétrai tout d’un coup quelle allait être sa réponse.

« Loin de contribuer à me rendre heureuse, vous me préparez d’autres chagrins, me dit-elle, par des offres dont je prévois que je ne me défendrai point sans offenser beaucoup le Sélictar. Était-ce de vous, ajouta-t-elle, que je devais attendre une si odieuse proposition ? Vous n’avez pas pour moi toute l’amitié dont je suis flattée, ou j’ai réussi bien mal à vous persuader mes sentiments ! »

Trop charmé d’un reproche si obligeant, trop sensible à ce qu’il me paraissait renfermer de favorable pour ma tendresse, j’insistai sur le dessein du Sélictar par le