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doit tirer du sang, ou du moins de la connaissance qu’elle a toujours eue de sa patrie. »

Le Sélictar, frappé de cette réflexion, me répondit que Condoidi même la croyait Musulmane. Il ajouta d’autres raisons d’espérer que dans quelque religion qu’elle pût être, elle ne serait pas plus difficile que la plupart des autres femmes, qui ne se sont pas pressées en Turquie pour suivre la religion de leurs maîtres ou de leurs maris. J’eus le temps de me remettre pendant ce raisonnement, et comprenant que ce n’était pas de moi que devaient venir les objections, je lui dis enfin qu’il était inutile de se former des difficultés sur un fait qu’il pouvait éclaircir dans la première visite qu’il ferait à Théophé.

J’avais deux vues dans cette réponse : l’une d’éviter qu’il me chargeât de ses propositions, l’autre de terminer promptement une nouvelle peine que la lenteur et le doute m’auraient rendue beaucoup plus sensible.

Il est certain qu’il ne m’était point encore tombé nettement dans l’esprit que Théophé pût jamais avoir d’autres liens avec moi que ceux de l’amour ; et supposé qu’elle se laissât aveugler par l’honneur de devenir une des premières femmes de l’empire Ottoman, je me sentais capable de sacrifier toute ma tendresse à sa fortune. J’aurais regardé d’un œil jaloux le bonheur du Sélictar ; mais je ne l’aurais pas troublé, m’en eût-il coûté