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me garantit ce que je viens d’entendre, toutes mes résolutions renaissent. Vous savez nos usages ; je ferai ma femme de Théophé, avec tous les droits et toutes les distinctions que cette qualité lui assure. »

Il y avait peu de surprises qui pussent me paraître aussi terribles. Mon honneur que je venais d’engager, ma malheureuse passion qui subsistait toujours, mille idées qui se changeaient aussitôt en pointes cruelles pour me tourmenter l’esprit et me déchirer le cœur, me firent ressentir en un moment plus d’amertume que je n’en avais éprouvé dans toute ma vie.

Le Sélictar s’aperçut de mon embarras.

« Ah ! s’écria-t-il, vous me laissez voir ce que je serais au désespoir de penser ! »

C’était me faire entendre qu’il soupçonnait ma droiture.

« Non, lui dis-je, vous ne devez pas m’offenser par vos défiances ! Mais si je sais vos lois et vos usages, ne dois-je pas vous faire souvenir ou vous apprendre que Théophé est chrétienne ? Comment son père peut-il l’avoir oublié ? J’avoue qu’elle a été élevée dans vos pratiques, et depuis qu’elle est chez moi, j’ai marqué peu de curiosité pour savoir ce qu’elle pense en matière de religion ; mais elle est liée avec un caloger qu’elle reçoit souvent, et quoique je ne lui aie vu faire jusqu’à présent aucun exercice de vos principes ni des nôtres, je lui crois pour le christianisme l’inclination qu’elle