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remplie de ses charmes, et ne doutant point qu’ils fussent à ma disposition, j’avoue que je consultai ma délicatesse sur les premières répugnances que je m’étais senti à lier un commerce de plaisir avec elle. J’examinai jusqu’où ce caprice pouvait aller, sans blesser la raison. Car les caresses de ses deux amants lui avaient-ils imprimé quelque tache, et devais-je me faire un sujet de dégoût de ce que je n’aurais point aperçu, si je l’avais ignoré ? Une flétrissure de cette espèce ne pouvait-elle pas être réparée par le repos et les soins de quelques jours, surtout dans un âge où la nature se renouvelle incessamment par ses propres forces ? D’ailleurs ce que j’avais trouvé de plus vraisemblable dans son histoire, était l’ignorance où elle était encore de l’amour. Elle avait à peine seize ans. Ce n’était pas Chériber qui avait pu faire naître de la tendresse dans son cœur, et l’enfance où elle était à Patras l’en avait dû défendre avec le fils du gouverneur, autant que le récit qu’elle m’avait fait de ses dégoûts. Je me figurai qu’il y aurait de la douceur à lui faire faire cet essai, et je souhaitai, en y réfléchissant de plus en plus, d’avoir été assez heureux pour lui en faire éprouver déjà quelque chose. Cette pensée servit plus que le raisonnement à diminuer mes scrupules de délicatesse. Je me levai tout différent de ce que j’étais la veille, et si je ne me proposai pas de brusquer l’aventure, je résolus d’en jeter du moins