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terai encore que dans les expressions de la joie, j’avais cru remarquer un emportement qui n’avait pas de proportion avec l’idée qu’elle avait toujours eue des aventures de sa vie. Ces grands transports n’étaient point amenés d’assez loin, et n’avaient point une cause assez sensible. Car à moins que de faire entrer la puissance du Ciel dans le changement de ses principes, quelle raison avait-elle d’être touchée jusqu’à cet excès du service que je lui avais rendu, et comment pouvait-elle regarder tout d’un coup avec tant d’horreur un lieu d’où elle n’avait point emporté d’autres sujets de plaintes que le dégoût qui naît de l’abondance ? De toutes ces réflexions dont j’avais fait une partie pendant son discours, la conclusion que je tirai fut que j’avais rendu à une jolie femme un service dont je ne devais pas me repentir, mais auquel toutes les belles esclaves auraient eu le même droit ; et quoique, en considérant sa figure avec admiration, je fusse flatté sans doute du désir que je lui supposais de me plaire, la seule pensée qu’elle sortait des bras de Chériber après avoir été dans ceux d’un autre Turc, et peut-être d’une multitude d’amants qu’elle m’avait déguisés, me servit de préservatif contre les tentations auxquelles la chaleur de mon âge aurait pu m’exposer.

Cependant j’étais curieux de savoir nettement à quoi elle se destinait. Elle devait comprendre que l’ayant rendue libre, je n’avais