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« La nuit arrive. On me prépare à l’honneur qu’on m’avait annoncé, et je suis conduite à l’appartement du gouverneur, qui me reçoit avec beaucoup de complaisance et de caresses. Dans le même moment on vient l’avertir que son fils demande avec les dernières instances à lui parler, et que les affaires qui l’amènent sont si pressantes qu’elles ne peuvent être remises au lendemain. Il le fait introduire, et donne l’ordre qu’on le laisse seul pour l’écouter. Je demeure néanmoins avec eux ; mais le père passe avec son fils dans un cabinet intérieur, où ils sont quelques moments ensemble. J’entendis à la vérité quelques termes violents, qui me firent juger que leur conférence n’était pas tranquille. Ils furent suivis d’un bruit qui commençait à m’alarmer, lorsque le fils sortant d’un air égaré, vient à moi, me prend par la main, et m’exhorte à fuir avec lui. Ensuite faisant attention sans doute à ce qu’il avait à craindre des domestiques, il sort seul, les trompe par des ordres feints de son père, et me laisse dans l’état où j’étais, c’est-à-dire tremblante de son agitation, et n’osant même aller jusqu’au cabinet pour m’assurer de ce qui s’y était passé.

« Cependant les esclaves à qui le jeune Turc avait déclaré que son père voulait être seul un quart d’heure, reparaissant après cet intervalle, et me trouvant dans la situation que je n’avais pas quittée, mon trouble leur fit naître des soupçons. Ils m’interrogent,