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garderai pas longtemps, lorsque je n’ai plus cette raison de vous y retenir. Ainsi je vais donner ordre qu’on vous reconduise ce soir chez votre père. »

J’avais dit tout ce que je croyais capable de me faire voir quelque jour dans le cœur de Synèse. Je finis, sans paraître trop occupé de la contrainte où je le voyais ; et pour combler la mesure, je lui recommandai de faire honnêtement ses adieux à Théophé, puisqu’il y avait peu d’apparence qu’il la revît jamais.

Après avoir changé vingt fois de couleur, et s’être déconcerté jusqu’à me faire pitié, il reprit timidement la parole pour me protester que ses doutes sur la naissance de sa sœur ne diminueraient ni l’estime ni la tendresse qu’il avait pour elle ; qu’il la regardait au contraire comme la plus aimable personne de son sexe, et qu’il se croyait trop heureux de la liberté qu’il avait eue de vivre avec elle ; qu’il ne perdrait jamais ces sentiments ; qu’il voulait se faire une étude de les lui marquer toute sa vie, et que s’il pouvait joindre la satisfaction de lui plaire à l’honneur qu’il avait de m’appartenir, il n’y avait point de condition contre laquelle il voulût changer la sienne. Je l’interrompis. Non seulement je crus lire dans le fond de son cœur, mais cette chaleur qui ne me permettait pas de me tromper sur ses sentiments, me fit naître une autre défiance qui me mit beaucoup de trouble dans tous les