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figure ? Eh ! quel est l’homme d’honneur et de goût qui ne se croirait pas heureux d’être attaché pour toute sa vie… Je m’arrêtai à la moitié de cette réflexion, comme effrayé de l’avidité avec laquelle mon cœur semblait s’y prêter. Elle me revint mille fois jusqu’au moment où mes sens s’assoupirent ; et loin d’éprouver le trouble dont j’avais appréhendé de me ressentir jusqu’au lendemain, je passai tout le reste de la nuit dans un délicieux sommeil.

Les premières traces que je retrouvai le matin dans ma mémoire furent celles qui s’y étaient si doucement gravées en m’endormant. Elles s’y étaient étendues avec tant de force qu’ayant comme effacé celles de mon premier projet, il ne me revint pas le moindre désir qui ressemblât à ceux dont je m’étais entretenu depuis plusieurs jours. Je brûlais de me revoir avec Théophé ; mais c’était dans l’espérance de la trouver telle que j’avais eu tant de plaisir à me la figurer, ou du moins de la voir dans la disposition que je lui avais supposée. Cette ardeur allait jusqu’à me faire craindre de m’être trompé dans mes suppositions. À peine eus-je appris qu’il était jour dans son appartement, que je lui fis demander la permission d’y entrer. Son esclave vint me prier de sa part de lui laisser un moment pour sortir du lit. Mais je me hâtai de l’y surprendre, dans la seule vue de lui faire connaître par ma modération le changement que la nuit avait mis