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galanteries de mon rival ? Cependant, il fallait me faire violence, avec une dissimulation d’autant plus cruelle que je m’en étais fait moi-même une loi indispensable.

Théophé marqua beaucoup d’embarras en le voyant paraître avec moi. Il redoubla encore, lorsque s’étant approché d’elle, il lui parla ouvertement de sa passion, et la fatigua par tous les témoignages de tendresse qui ont l’air chez les Turcs, d’un rôle étudié. Je m’efforçai plusieurs fois de rompre une comédie qui ne pouvait être aussi insupportable à Théophé qu’à moi, et j’en vins jusqu’à répondre pour elle que se proposant de faire usage de sa liberté pour quitter Constantinople, elle devait emporter quelque regret de ne pouvoir prêter l’oreille à des sentiments si tendres et si agréablement exprimés. Mais ce que je croyais capable de le refroidir, ou de lui faire modérer du moins ses expressions, lui fit hâter au contraire les offres auxquelles il s’était préparé. Il lui reprocha un dessein qu’elle n’avait formé, lui dit-il, que pour la rendre misérable ; mais se flattant encore de toucher son cœur en lui apprenant ce qu’il voulait faire pour elle, il lui parla d’une superbe maison qu’il avait sur le Bosphore, dont il était résolu de lui abandonner la jouissance pour toute sa vie, avec un revenu qui répondît à la magnificence d’une si belle demeure. Elle y serait non seulement libre et indépendante, mais elle y aurait une autorité absolue sur