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du Sultan, et ses premiers pas furent heureux. Mais une femme turque, qui se dérobait apparemment d’une tente pour passer dans une autre, entendit le bruit sourd d’une marche qui l’alarma. Elle retourna sur ses traces avec une frayeur qu’elle communiqua tout d’un coup autour d’elle. Condoidi, aussi sage que vaillant, désespéra aussitôt de réussir, et croyant sa vie nécessaire à son maître lorsqu’elle ne pouvait servir à se défaire de son ennemi, il tourna son courage et sa prudence à s’ouvrir un passage, pour se sauver avec les compagnons de son entreprise. Dans la dernière confusion des Turcs, il s’échappa si heureusement qu’il ne perdit que deux hommes. Mais il n’avait conservé la vie que pour la perdre encore plus glorieusement dans l’affreuse révolution qui arriva deux jours après. Ses enfants, qui étaient dans le premier âge, demeurèrent sujets des Turcs, et l’un d’eux se fit un établissement dans la Morée, où ses descendants essuyèrent une infinité d’aventures. Enfin, leur maison se trouvait réduite à ceux qui étaient alors à Constantinople, et à un évêque grec du même nom, dont le siège était dans quelque ville d’Arménie. Leur bien consistait encore en deux villages, qui leur rapportaient environ mille écus de notre monnaie, et dont la propriété passait aux aînés, par un privilège assez rare dans les États du grand Seigneur et qui faisait la seule distinction de leur famille.