Page:Prévost - À propos d’un roman, paru dans Gil Blas, 28 mai 1893.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

roman une sorte de canevas de rêve. Pour la femme, surtout, liseuse incomparable, le récit qu’elle feuillette devient volontiers ce qu’est pour le religieux le thème de méditation puisé dans la Vie d’un saint ou dans les Écritures. La femme imaginative et sensible (quelle femme ne l’est point ?) fait un instant sa vie propre des vies héroïques ou sentimentales qu’on lui raconte. « Dieu sait quel plaisir c’était pour moi, s’écrie la Lotte de Gœthe, de me retirer le dimanche en un coin solitaire pour partager de toute mon âme la félicité ou les infortunes d’une miss Jenny ! » Remarquez bien ces mots : partager de toute mon âme ! Ce n’est plus seulement le besoin de se meubler le cerveau d’images virtuelles, l’appétit du divertissement. C’est une mystérieuse union