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foule.

Mais le liseur de roman, qui est-ce ? L’homme politique, le financier, qui, avant de monter en wagon, choisit le dernier Bourget dans la bibliothèque de la gare, en feuillette la moitié pendant la première heure de route, puis jette le livre dans le filet et s’endort ; le journaliste qui parcourt à la hâte, dans un bureau de rédaction, le volume nouveau expédié par un éditeur ; le mondain qui achète le livre à la mode, promène une fois ses yeux sur les pages, cherchant seulement à fixer dans sa mémoire quelques noms et quelques phrases, — tous ces lecteurs d’aventure sont-ils des liseurs de romans ? Non, certes. Le vrai liseur de romans est celui qui les lit non par accident, ni par métier, mais par habitude et par goût, parce que ce véhicule de la pensée, entre l’esprit du penseur et le sien, lui convient mieux que tout