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l’évaluation réelle de la valeur vénale, basée sur les actes de vente accomplis dans le pays au cours des quatre dernières années, sur les polices d’assurance, et sur tous les autres documents analogues. Les autres règles communes aux contributions directes seraient applicables à cet impôt.

Une théorie qui, dans ces dernières années, a joui d’une certaine faveur, sinon parmi les économistes, du moins parmi les législateurs, est la théorie de l’impôt progressif.

Cette faveur semble même, à l’heure actuelle, devoir faire entrer cette théorie dans la réalité des faits, avec le projet d’impôt progressif sur les successions actuellement présenté à la Chambre des députés par M. le ministre des Finances.

Nous avons déjà dit en quoi consiste l’impôt progressif : si, pour 100 francs de revenu, par exemple, on perçoit 1 franc, de 100 à 500 francs, on percevra 2 % ; de 500 à 1,000 francs, 3 %, etc. Ce système, vivement combattu par les uns, vanté à l’excès par les autres, ne mérite à vrai dire « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ». Tout se résume en une question d’application ; l’impôt progressif peut dans certains cas donner d’excellents résultats ; il peut aussi, s’il est mal appliqué, aboutir à des conséquences désastreuses.

Si, par exemple, la progression de la taxe était appliquée à un impôt établi sur le capital, elle aboutirait aisément à l’absurde. En effet, si pour un capital inférieur à 50,000 francs, par exemple, on perçoit 1 % ; de 50,000 à 100,000, 1 1/2 % ; de 100,000 à 500,000 francs, 2 %, etc., on arrivera à cette conclusion que la somme perçue dépassera, pour un capital donné, ce que ce capital peut produire de bénéfice net ; à moins de modérer d’une manière très sensible la progression, et de la rendre par conséquent à peu près inutile, on en viendrait facilement à une véritable dépossession du capital.

Si, au lieu d’appliquer le système progressif à l’impôt sur le capital, on l’applique à un impôt sur les successions, qui n’est à proprement parler qu’un impôt accidentel sur le capital, la progression pourra être beaucoup plus sensible, sans que dans la pratique elle aboutisse à des conséquences aussi désastreuses.

Si enfin l’impôt progressif est appliqué au revenu, il ne semble pas qu’aucune conséquence fâcheuse en puisse résulter,