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RICHARD WAGNER


C’est le duc de Wellington. Son attitude enlève à Wagner « tout respect exagéré pour le vainqueur de Napoléon. »

Ils décident de partir pour la France, et, en compagnie du capitaine de la Thétis, montent pour la première fois de leur vie dans « une voiture à vapeur ». Le 20 août, au soir, ils sont à Boulogne-sur-Mer. Justement Meyerbeer s’y trouve aussi, leur dit-on à l’hôtel. L’illustre Berlinois leur sera peut-être utile ; ne compte-t-il pas déjà parmi les « relations » de Wagner, puisque celui-ci lui a écrit ? Au surplus, la bienveillance de Meyerbeer est proverbiale… Richard se fait indiquer sa maison de villégiature, va chez lui, est reçu. « Mon enchantement dépassa mes prévisions. » Personne n’est plus accueillant que l’auteur des Huguenots, et l’on sait de reste la sympathie passionnée qu’éprouve tout jeune poète pour qui l’invite à dire ses vers. Wagner lit à Meyerbeer les trois premiers actes de sa pièce et lui en laisse le manuscrit de musique. Ce qui frappe le grand homme, c’est l’excellence de l’écriture. Quel copiste que ce petit Saxon ! Il offre des lettres de recommandation pour Duponchel, directeur du Grand Opéra ; pour Habenek, le chef d’orchestre ; pour Schlesinger, l’éditeur. Il présente le débutant à Moschelès, à Mlle Blahedka, la célèbre virtuose.

Voilà Wagner « lancé », en rapports directs avec ses pairs, parlant musique, faisant de la musique, écoutant la musique des autres. Le 12 septembre, il achève l’instrumentation du second acte de Rienzi. Il brûle de voir Paris maintenant, d’aborder enfin la scène fameuse qui l’attend. Aussi adresse-t-il à Édouard Avénarius, le flancé de sa cœur Cécile, à la « Librairie allemande de Brockhaus et Avénarius », 60, rue de Richelieu, une lettre particulièrement aimable pour le prier de retenir une chambre dans un hôtel meublé, point trop loin si possible de sa librairie. Et le couple monte enfin dans la diligence pour accomplir la dernière étape de ce voyage interminable. Mais au bout de cette grande route française bordée de peupliers, Wagner sait qu’il trouvera à tant de peines, d’obstacles, d’énergie, une loyale récompense.

À l’aube du 16 septembre, ils sont à la barrière Saint-Denis, où Wagner réclame sa correspondance et la réponse d’Avénarius au sujet de son logis. Rien. Aucun courrier n’attend ce petit ménage accompagné de son chien débonnaire. Ils