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CHAPITRE III

« j’aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. »
                                                            (zarathoustra.)


Lorsque Zarathoustra arriva dans la ville voisine, qui se Pouvait le plus près des bois, il y rencontra une grande foule rassemblée sur la place publique : car on avait annoncé qu’un danseur de corde allait se faire voir. Et Zarathoustra parla au peuple et lui dit :

« Je vous enseigne le surhumain. L’homme est quelque chose qui doit être surmonté… Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas à ceux qui vous partent d’espoirs supraterrestres… L’homme est une corde tendue entre la bête et le surhumain — une corde tendue sur l’abîme. Il est dangereux de passer de l’autre côté, dangereux de rester en route, dangereux de regarder en arrière — fris­son et arrêt dangereux.

« — Ce qu’il y a de plus grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but : ce que l’on peut aimer en l’homme, c’est qu’il est un passage et un déclin. J’aime les grands contempteurs… J’aime celui qui travaille et invente… J’aime celui qui aime sa vertu… J’aime celui qui fait de sa vertu son penchant et sa destinée… J’aime celui dont l’âme se dépense… J’aime celui qui jette des paroles d’or au-devant de ses œuvres et qui tient toujours plus qu’il ne promet…

« Mais alors il advint quelque chose qui fit taire toutes les bouches et qui fixa tous les regards. Car pendant ce temps le danseur de corde s’était mis à l’ouvrage : il était sorti par