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WAGNER-GEYER


voir que la mode musicale en Saxe, comme à Vienne et à Paris, s’était entièrement détournée des maîtres allemands au profit des Italiens. Nommé chef d’orchestre royal, cet homme de haute énergie, mais frêle, boiteux, et comme immatériel, entra immédiatement en lutte avec les gens en place et les routines. Il tenta de réformer l’opéra et ses mœurs, se mit en quête de chanteurs nouveaux et le hasard voulut qu’il désignât parmi eux l’acteur Geyer. Celui-ci avait chanté autre­fois et possédait encore une assez belle voix de ténor. S’étant épris bientôt du chef dont il avait vite reconnu l’exceptionnel talent, Geyer se donna de bon cœur à cette tâche inattendue. Il chanta maint rôle secondaire tout en continuant son métier d’acteur et sans lâcher les pinceaux. C’est ainsi que le nom de cet homme universel se retrouve sur la plupart des pièces affichées à Dresde et dans bien d’autres villes à cette époque ; comme il se voit aussi sur les portraits de la reine de Saxe, du roi Louis Ier et de la reine de Bavière ; comme enfin on le lit imprimé sur la couverture de ses comédies.

Albert trouva bientôt un engagement à Breslau. Puis Rosalie à son tour quitte la maison pour entrer définitivement au théâtre. Et dans cette vaste compagnie d’acteurs, l’emploi qu’on réserve au petit Richard est celui d’acrobate ; car il est seul à savoir glisser du haut en bas de la maison sur la rampe de l’escalier, seul à pouvoir marcher sur les mains. Geyer l’appelle le Cosaque. On le mène souvent au théâtre, où il a sa chaise dans la loge des acteurs, qui communique avec la scène. Et comme il ne saurait échapper tout à fait à la Maladie des siens, il arrive à l’occasion qu’on lui fasse jouer un petit bout de rôle. Justement Weber trouve place pour lui dans les Vignobles des bords de l’Elbe, où Richard paraît en ange, avec des ailes dans le dos. Une autre fois, dans Haine et Repentir de Kotzebue. il a même quelques paroles à dire.

Tels sont tes jeux que goûte cette famille, mais Richard n’y voit que prétexte à ne point apprendre ses leçons. À cause de sa santé médiocre on ne l’y contraint guère, du reste. Il tapote un peu le piano, mais non de manière suivie et apparemment sans passion. Geyer aurait voulu faire de lui un peintre.

À sept ans révolus, on le met en pension à Possendorf près