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WAGNER-GEYER


déjà depuis longtemps, et il est certain qu’elle l’aimait aussi. Combien de fois n’était-il pas venu lui tenir compagnie, le soir, pendant que son mari hantait les coulisses du théâtre Thomé, où il avait de belles amies. Les médisants assuraient même que le jeune Richard était le fils de leurs amours. Enfant adultérin, soit. Cela n’était pas si grave et Gottlob-Frédéric Ier, le théologien, n’avait-il donc pas eu un fils naturel ? Johanna elle-même ne se disait-elle pas d’origine mystérieuse, inconnue, princière peut-être ? On savait que ses parents avaient été meuniers à Weissenfels et qu’ils se nommaient Bertz (ou Peetz)[1]. Mais qui donc J’enleva à son milieu comme toute jeune fillette pour la mettre dans l’un des meilleurs pensionnats de Leipzig ? Et pourquoi les parents s’en occupaient-ils en cachette ? Qui donc avait payé les frais de cette éducation de demoiselle, malgré tout assez légère et négligée ? Johanna ne prétendait-elle pas parfois se nommer Perthes, et nullement Peetz ? Et lorsqu’on l’interrogeait sur ces faits énigmatiques, elle racontait que l’ami paternel dont la présence occulte se s^nateU ainsi au cours de.son enfance, n était autre qu’un prince de Weimar[2]. Cette généalogie romanesque devait encourager la veuve du greffier et son ami Geyer à unir leurs destinées. Ils résolurent de se marier. Johanna avait trente-neuf ans et Geyer à peine trente-quatre. Elle était toujours séduisante, active, et faisait en écrivant des fautes d’orthographe considérables. Il était fin, sensible, peut-être de santé délicate. Une autre particularité de cet homme dévoué était sa ressemblance physique frappante avec Frédéric et Adolphe Wagner. On aurait pu les prendre pour des frères. Protestant de très vieille souche, comme les Wagner, avec peut-être une goutte de sang israëlite (la chose n’a jamais été bien prouvée), Geyer descendait d’une lignée modeste comptant des fonctionnaires, des organistes, et en cela encore fort semblable à celle des Wagner. Ce mariage ne consacrait donc, en somme, qu’une situation assez simple.

Tout de suite après les noces, qui eurent lieu en août de 1814, les Geyer s’installèrent à Dresde. On mit la fille

  1. Selon certains, il faudrait orthographier Paetz.
  2. D’après quelques biographes, Johanna aurait été la fille naturelle du Prince Constantin, Frédéric, Ferdinand de Weimar (8 sept. 1758-6 sept. 1793).