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CHAPITRE IV

les lauriers de rienzi


L’une des plus belles inconséquences de l’homme — l’une des plus explicables aussi — est le culte qu’il a de sa douleur, le goût qu’il montre pour ses larmes. Les joies laissent plus de traces et notre mémoire ne les retient qu’à peine. Mais la souffrance agrandit nos souvenirs, nous remplit pour nous-mêmes d’estime et charge notre misère de poésie.

À peine l’eurent-ils quitté, que ce Paris d’infortune et de déchéance apparut aux Wagner comme la terre enchantée de la liberté, de l’amitié et du travail. « Je me disais que les voyageurs français revenant d’Allemagne n’avaient pas tout à fait tort d’ouvrir leur pardessus en mettant le pied sur la terre française et de respirer plus librement, comme s’ils passaient de l’hiver à l’été… Jamais adieux ne nous furent plus difficiles. » Quant à Minna, elle pleurait tout le temps, ne parlait que de son retour en France et souhaitait aux opéras de son mari un insuccès total, afin d’en prendre prétexte pour retrouver Paris.

L’accueil des parents de Leipzig fut pourtant plus cordial qu’ils ne l’attendaient. Mme Geyer était à présent une vieille dame à qui ses enfants Brockhaus faisaient une retraite douillette. On fêta la rentrée de l’enfant prodigue. On fit bon visage à sa femme, malgré ses origines ouvrières et ses trente-quatre ou trente-cinq ans. On se réjouit des grandes nouvelles concernant Rienzi. Ou décida même en famille de consentir