qui n’a hâte que de plaire. Elle est faite exactement à la
mesure des bons bourgeois qui viennent chercher au théâtre
pour un demi-écu de gaîté et de sentiment. Auber, en 1839,
vient d’être nommé directeur des Concerts de la Cour. L’un
des traits de son génie a été de trouver comme librettiste
l’extraordinaire Eugène Scribe, qui laissa 76 volumes de
pièces de théâtre. Auber a dit : « J’ai aimé la musique jusqu’à
trente ans, une vraie passion de jeune homme. Je l’ai aimée
tant qu’elle a été ma maîtresse ; mais depuis qu’elle est ma
femme… »
Halévy est plus austère, plus grave. Il avait donné quatre ans plus tôt son chef-d’œuvre, La Juive, dont l’idée était née un soir qu’il se promenait dans le parc de Scribe. Et c’est Nourrit, le célèbre ténor, qui trouva les paroles de l’air alors fameux et que Marcel Proust a fait revivre : « Rachel, quand du Seigneur la gloire tutélaire… »
Adam — singulier homme — né avec le goût du savant, de l’aride, et le mépris du mélodique, se découvre brusquement des facilités toutes contraires eu composant Le Chalet, et dès lors il ne lui faut jamais plus de quelques jours ou de quelques semaines pour accoucher d’un opéra. Le Postillon de Longjumeau est le spectacle à la mode, et le petit élève pédant d’autrefois dit maintenant : « Je n’ai guère d’autre ambition, dans ma musique de théâtre, que de la faire claire, facile à comprendre et amusante pour le public… J’écris les idées qui me viennent, et elles mc viennent toujours, les aimables filles ! »
Les deux grands Italiens de la musique sont Rossini et Spontlni. C’est une autre classe d’artistes. Disciple de Gluck et de Mozart, Spontini a introduit à l’opéra des combinaisons d’orchestre et des effets scéniques de masse absolument nouveaux. Inventif, plein de hardiesses, il échoua à Berlin comme à Paris à cause de ses exigences et de son mauvais caractère. Mais il allait quand même sa route et se moquait « de la marmaille des rapins contrepointistes » et des « jeunes tisseurs de notes, capables de comprendre et de sentir les grandes choses de l’art musical comme MM. les portiers, leurs pères ». La Vestale fit scandale et, comme peu d’années auparavant Fernand Cortez ouvrait à Richard Wagner les portes d’un monde inconnu, elle bouleversa Ber-
